Films français
La compétition nationale recense le meilleur de la production hexagonale sur l’année écoulée, à travers 10 programmes de courts métrages de tous genres et tous horizons. Deux films français participent également à la compétition internationale.
Les Vestiges du chaos
Cette sélection nationale n’épargne rien ni personne. Avec une rudesse teintée de poésie, elle alterne entre la brutalité d’une réalité sociale crue et la liberté offerte par des récits où les frontières entre tangible et imaginaire s’effacent. Certains films poussent les curseurs de l’absurde à l’extrême, explorant nos inquiétudes contemporaines à travers des dystopies glaçantes, comme le troublant Deux personnes échangeant de la salive. D’autres laissent le fantastique s’immiscer dans des histoires profondément ancrées dans notre époque. Ainsi, Familiar, Les Solariens ou encore Attention brouillard célèbrent, chacun à leur manière, la lutte contre l’isolement et l’exclusion, en rappelant l’importance de se construire une famille de cœur et de s’ouvrir aux autres. Car s’il fallait dégager une tendance cette année, ce serait celle de devenir acteur ou actrice de sa propre histoire, qu’il s’agisse d’allié·e·s rencontré·e·s au détour d’un sentier de randonnée (Les Fleurs bleues) ou imposés dans le cadre d’une thérapie comportementale exclusivement masculine (1 Hijo & 1 Padre).
Depuis de nombreuses années, le cinéma français dans son ensemble tente de produire une critique sociale, abordant des problématiques contemporaines : le monde du travail, lui, devient un huis clos où se jouent des tensions invisibles mais universelles. La dureté du réel éclate dans des récits de lutte et d’injustice, exposant des violences systémiques : brutalité policière, racisme ordinaire, LGBTQphobie, violences conjugales, les blessures laissées par la colonisation, le fascisme ou l’occupation ou encore la pression bien présente imposée par un travail précaire. L’univers carcéral et ses tragédies viennent s’ajouter à cette mosaïque sombre, où les violences qui détruisent des vies résonnent douloureusement. Pourtant, ces histoires s’incarnent à travers des personnages combattifs, résolus à résister face à la fatalité : l’heure n’est plus au constat simple et froid, certains courts métrages tentent de remonter à la racine de ces fléaux, et de nous glisser dans la peau des bourreaux ou des victimes. Dans Généalogie de la violence, le réalisateur et plasticien Mohamed Bourouissa ralentit le temps pour mieux nous faire endurer la lourdeur et l’injustice d’un contrôle de police arbitraire. Le travail comme motif sera donc également au cœur de nombreuses œuvres, que l’on soit berger pour la première fois isolé en alpage (Mille moutons), femme de chambre (à l’Hôtel Bellevue en animation dans Ma footballeuse à moi ! ou en prise de vue en continu dans un hôtel de luxe dans L’Homme de merde), gardes civils aux frontières sur la côte andalouse (A Fronteira Azul) ou encore agent de sécurité au Hellfest (Apocalypse).
Chaque film de cette sélection s’ancre dans une réalité sensible, abordant le deuil – qu’il soit intime ou symbolique – et ces préoccupations contemporaines qui sont à la fois personnelles et universelles. Ensemble, ils forment une œuvre collective qui interroge nos angoisses, mais aussi nos élans d’espoir et de résilience.
Les deux films qui représenteront la France dans la compétition internationale sont Papillon de Florence Miailhe et Amsterdad de Augustin Bonnet. Sur le papier, ils semblent s’opposer en tout mais se répondent pourtant. Le premier est un hommage tout personnel, sensible et magnifique, au nageur Alfred Nakache porté par la papesse française de la peinture animée sur verre que nous aurons le plaisir de retrouver à Clermont-Ferrand, presque 30 ans après sa venue en tant que membre du jury. Le second, deuxième film de ce jeune réalisateur, est un road trip familial musclé, tourné dans l’urgence d’une escapade aux Pays-Bas, dans lequel père et fils à l’écran comme à la ville s’engueulent puis se réconcilient, avec tendresse et humour.
Dans cette traversée, d’autres époques et horizons se dévoilent, comme autant d’échappatoires ou de miroirs pour réfléchir à nos propres contradictions : dans Kaminhu, une rencontre capverdienne va profondément ébranler les convictions de Joanna tandis que c’est l’irruption d’un étranger dans son quotidien reculé qui poussera la jeune fille de Across the Waters à entrevoir un ailleurs, par-delà les montagnes qui obstruent l’horizon. Enfin, et parce que nous en avons besoin, l’humour ubuesque qui colle si bien au format court sera au rendez-vous avec, entre autres, un Philippe Rebbot toujours en pleine forme, dans son propre rôle dans Mort d’un acteur. La sensibilité, au cœur de chaque œuvre, s’affirme comme un fil rouge qui éclaire l’obscurité du monde et offre, parfois, un éclat d’espoir.
coordination compétition nationale
Stéphane Souillat
s.souillat@clermont-filmfest.org
comité de sélection
Fanny Barrot, Marie-Laure Boukredine, Marie Cordier, Sébastien Duclocher, Jérémy Laurichesse, Sarah Momesso, Bertrand Rouchit, Stéphane Souillat, Jérôme Ters, Laura Thomasset.